MINERAL LODGE
MINERAL LODGE Villaroger (73)
Maître d’ouvrage : privé
Réhabilitation et extension d’un chalet.
Chauffage par géothermie
Coût des travaux : 1,2 M € HT
SHON: 450 m2
Livraison : 2012
Photos : N.Borel
Situer l’architecture dans le temps
Mineral Lodge (Savoie, France) par l’Atelier d’architecture Christian Girard
Les Alpes font souvent bloc. Sous le manteau de neige, la dureté implacable de la roche défie toute architecture: le temps n’a pas prise, c’est l’éternité qui s’oppose à la fragilité des établissements humains. Et malgré tout l’architecture contemporaine a sa place dans un vieux hameau montagnard. Ceci est amplement démontré par le Mineral Lodge en Savoie à 1200 m d’altitude.
Le site offrant des vues exceptionnelles sur les montagnes et vallées alentour, le projet utilise, souligne peut-être, ce paysage fascinant. Ici, il s’agit de construire avec tact. En un théâtre naturel aussi majestueux, bâtir est un acte qui doit dialoguer avec la géologie, son histoire de mouvements figés dans la présence immémoriale du minéral. La roche fixe le temps. Construire devient alors le moment où le temps humain rencontre le temps géologique. Le Mineral Lodge, refuge de pierre et de roche, est un chalet hors normes par rapport à la production courante comme par rapport au segment du chalet de luxe, qui prospère dans les Alpes. Le hameau de Villaroger aux règles strictes de constructivité et d’intégration architecturale, suggérait, avec les ruines d’un mur périphérique d’une ancienne ferme en mitoyennté d’un chalet existant, l’occasion d’un dialogue entre l’architecture vernaculaire et l’aspiration contemporaine à vivre avec l’objectif de développement durable permis par les récentes évolutions technologiques.
Une liaison physique a été créée avec le chalet familial mitoyen sous forme de haute faille verticale. A l’intérieur du nouveau chalet Mineral Lodge, sur trois niveaux, est laissée apparente la muraille de pierre qui était le pignon aveugle du chalet. L’enjeu consista à faire émerger le Mineral Lodge de la ruine pré-existante, pour proposer une reconversion sur ces traces: d’une certaine façon il s’agissait de faire advenir de l’architecture là où il n’y avait que de la construction.
La ferme de pierre n’a pas été reconstruite : on ne pouvait définitivement s’enfermer dans les limites du passé, il fallait signifier une nouvelle époque par rapport à celle des murs de pierre sèche, aller de l’avant au sens propre comme figuré. C’est le rôle que prend le cube en bois qui se projette à partir du séjour vitré de l’étage. Il devient l’emblème fort du chalet, fait repère et il est une réminiscence des séchoirs en encorbellement qui subsistent sur des chalets anciens en Tarentaise.
Le ménagement de prises de vues sur le paysage et les séquences de parcours intérieur ont orienté la définition des espaces. Le premier étage organise de façon systématique une variété de perspectives croisées vers l’extérieur; les espaces s’enchaînent avec fluidité, nul couloir mais une galerie à la croisée des géométries fait la jonction entre le séjour et la salle multimédia.
La limite de hauteur imposée a suscité un jeu de niveaux enrichissant la proposition spatiale: des passerelles en escalier permettent de rattraper les différences de niveaux entre les nouveaux planchers et ceux de l’ancien chalet où deux chambres ont été aménagées. La cuisine se déploie au pied du grand volume ainsi crée, éclairé par une verrière zénithale. Jouant un rôle important dans le projet, la toiture est réalisée en béton armé, évitant au projet l’inévitable charpente en bois à laquelle se croit obligé de sacrifier tout chalet neuf. Elle est une enveloppe permettant une distribution plus flexible des espaces.
L’utilisation de la pierre comme revêtement et non comme murs ou poteaux porteurs se retrouve avec la masse de l’escalier principal, où un œil attentif comprend vite que les différentes fenêtres en meurtrières réparties comme de façon aléatoire ne peuvent que dissimuler une structure en béton armé. L’effet de surface se voit accentué. De plus ce volume n’est pas seulement celui de l’escalier mais il abrite les fenêtres d’une chambre au troisième étage. La mise en correspondance de l’extérieur et de l’intérieur est abolie. Il s’agit bien ici d’une caractéristique du chalet traditionnel où il n’est pas aisé de deviner quel type de pièce (chambre, séjour, cuisine,…) est derrière une fenêtre. Ce haut volume unitaire et varié à la fois dissimule ses fonctions et s’impose pour sa forme elle-même. Le mélèze rainuré de la boite du séjour vient s’y encastrer avec précision, épousant même l’irrégularité de la pierre. Avec cette interaction, des matériaux fondamentalement différents établissent entre eux une connection subtile.
Les contraintes de sismicitié et de protection dans un couloir d’avalanche impactant la façade Sud, ont conduit à des choix structurels garantissant robusté et pérennité. Le choix de la géothermie en forage profond dans la roche donne au Mineral Lodge une efficacité énergétique et l’inscrit dans une démarche de développement durable, tout en restant invisible.
Finalement, comme inséré dans un écrin de pierres sèches, le chalet se tient à courte distance des murs du passé sans les toucher, créant un entre-deux ou espace intermédiaire, filtre entre anciens murs et nouvelles façades largement vitrées. Cet espace interstitiel entretient une tension productive entre passé et présent. Le Mineral Lodge établit une oscillation constante entre le passé et le présent. Il propose un cadre architectural sans exprimer un traditionnalisme. A l’inverse du chalet conventionnel où les dimensions de fenêtres sont dictées par des contraintes d’isolation thermique, il dispense avec générosité la lumière naturelle. Dans les Alpes françaises, une architecture d’expression traditionnelle est devenue un slogan commercial dénué de tout sens ou intérêt. Le Mineral Lodge est une rare tentative pour contredire cette prédilection nostalgique partout à l’œuvre en Savoie.
Christian Girard & Andrew Benjamin
2012
Architecture’s Place in Time
Atelier d’architecture Christian Girard’s Mineral Lodge (Savoie, France)
Mountain ranges often appear to be sublime. Under a mantle of snow their enormity would seem to defy the possibility of architecture. Time does not pass. Eternity stands opposed to the fragility of human accomplishments. And yet contemporary architecture has a place in an ancient hamlet. A fact amply demonstrated by the recently constructed Mineral Lodge designed by Atelier d’Architecture Christian Girard and built in Savoie at an altitude of 1200 metres.
As the site offers exceptional views of the surrounding mountains and valleys, the project makes use, perhaps emphasizes, this stunning and dramatic natural landscape. In such an impressive environment building must take place with a light hand. In this natural and majestic scene, building becomes an act which must be in dialogue with the immemoriality of the rocks’ own historical movements. The rocks fix time. Building therefore is the moment at which human time encounters geological time. The Mineral Lodge is a refuge of stones and rocks. As such it stands at a distance from the norms governing the tradition of recently constructed chalets. The latter are marked by an attempt to portray luxury. The hamlet of Villaroger has strict construction rules. The project which began with both the ruin of a farm – all that remained were the outside walls – and an adjacent pre-existing chalet offered the chance to construct a dialogue between a vernacular architectural presence and the contemporary desire for a sustainable architecture informed by the most recent technological developments.
This dialogue guided the construction. A physical link was created with the pre-existing chalet by providing a nine metre vertical opening between the buildings. In the new chalet the stonewall of the old chalet was left as it was. Careful reinterpretation of vernacular architecture accompanied the project. What matters therefore is the emergence of another chalet from a pre-existing ruin. This is an important undertaking because the Mineral Lodge establishes architecture in a place where previously there had not be architecture but mere building. The Lodge departed from a historical perspective and was inscribed in vision of the future. The stone house was not rebuilt. The project imagined possibilities for ruptures and transitions such as the square wooden box that is projected outside the glass wrap of the curtain-wall. This element acts as a reference to local overhang attics and addresses the typology of vernacular architecture.
A number of views on the landscape are provided: the ruins facing North are punctuated by an « observatory balcony » with a panoramic view. The second floor level delivers a variety of vistas. The roof takes an important role in the project. Instead of constructing another traditional wooden roof, a reinforced concrete roof serves as an envelop and allows for a more flexible use of space. Hight limitations imposed by regulations gave the opportunity to work on a variety of levels connected by different staircases. The interior space is thought as a series of sequences providing areas based on fluid and open circulations. The kitchen situated on the ground floor is covered by a large skylight.
The use of stone as surface cladding is visible throughout the project. The horizontal and vertical openings of the staircase volume could only have been constructed with concrete walls. From outside the openings which correspond to program are not immediately legible. Heightening thereby the effect of the surface. The idea of a visible relationship between the interior and exterior is abolished. At the same time, this strategy reflects the older chalets of the village in which the openings do not indicate what kind of space lies behind: bedroom, kitchen, living room… The Mineral Lodge’s wooden box has a singular contact to the stonewall. Each stone registers its relationship with each wooded panel. The latter adapting to accommodate the irregularity of the stones. Through this interaction fundamentally different materials achieve a subtle connection.
Earthquake constraints and avalanche protection are integrated into the structural design. Mineral Lodge in terms of sustainability and energy consumption achieves the highest standards due to geothermal heating. A heat pump circulates water in three 150m deep drills in the rock where temperature is stable year round, and the presence of underfloor heating and double-flux ventilation means that the entire heating and cooling system is invisible.
In sum, the Mineral Lodge embedded in existing ruins yet not touching them creates an intermediary space. This interstitial space maintains as productive an ongoing tension between past and present. As a result, the Mineral Lodge offers an architectural environment without expressing any kind of traditionalism. In opposition to the conventional chalet where window sizes used to be constrained by thermal insulation, the Mineral Lodge offers more light into the house with high quality glass and framing. In the French Alps the traditional architectural expression in ski resorts have become a commercial slogan lacking any sense or interest. The Mineral Lodge is a rare attempt to counteract this nostalgia driven architectural predilection ever apparent in Savoie.
Christian Girard & Andrew Benjamin
november 2012